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14 septembre 2011 3 14 /09 /septembre /2011 19:18

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Cet été, en Italie, mon étonnement, à nouveau, devant les photographies qui ornent toutes les sépultures... Ces portraits semblent vouloir attester du passage de ces gens dans le monde des vivants, sorte d' Et in Arcadia ego figural. G. trouvait ça assez sain : « au moins, on sait qui est enterré là » me disait-il. Moi, j'étais gêné, j'avais le sentiment que ces visages me regardaient, me prenant à témoin de leur disparition. Sauf peut-être cet enfant qui, sans doute, restera souriant jusqu'à ce que le vent et la pluie aient effacé ses traits ; lui ne me regarde pas ; je dirais même qu'il se fout éperdument de ma présence. De quoi, à qui souriait-il ce jour-là ? Toute tentative de réponse serait évidemment une fiction, un roman. Je préfère garder ce sourire pour ce qu'il est – une souveraine indifférence à la mort ? - sans chercher à lui trouver d'autres explications. J'aime autant me dire simplement que ce sourire, dans ce lieu, sur cette tombe est aussi poignant que la lumière qui nous parvient des étoiles maintenant disparues.

 

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Les beaux jours - dans Les écritures
8 septembre 2011 4 08 /09 /septembre /2011 20:37

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Relisant ce que j'ai écrit avant-hier à la lumière de ces oies blanches se dandinant vers le crépuscule, je me dis qu'il faudrait me résoudre à vivre pleinement ce que je nomme avec ironie mon sentimentalisme. "Une bonne photo, ça vous serre le coeur" m'a écrit un jour une photographe que j'admire. En voyant mes six palmipèdes un peu gauches, l'autre jour, sans savoir pourquoi, j'avais le coeur serré. C'est si fragile un instant...  

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Les beaux jours - dans Les écritures
6 septembre 2011 2 06 /09 /septembre /2011 23:30

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Centième article de ce blog. Je m'étonne moi-même de tant d'obstination. Il est vrai qu'avant de s'appeler Les beaux jours, une version encore plus confidentielle (si c'est possible) avait pour petit nom L'entêté. Mais cet entêtement était si naïf, si écorché qu'un soir j'ai tout foutu en l'air. Je suis doué pour ça, il faut croire. Se supporter est parfois un travail fastidieux.

Le lendemain, à mon grand étonnement, il faisait jour. Nous étions en Avril. Avec un peu de chance, le printemps allait arriver. J'ai décidé que le nouveau patronyme serait à l'image de la saison : mignon et ambigu. Chaque jour, que je le veuille ou non, serait désormais un beau jour. Avec ou sans moi. Soyons fous. Le pire étant, hélas, une marque déposée, il me restait à faire les yeux doux au meilleur. Histoire de suivre le troupeau mine de rien.

Au chiffre cent, Les beaux jours ne ressemble pas à grand chose. En le parcourant à rebours, je le trouve affecté et sentimental, larmoyant et romantique, ironique et cassant. Ci-joints mes fleurs bleues, mon armure et mes sparadrats. Les images pêchent souvent par leurs faiblesses. Je me rassure en pensant que les quelques amis qui visitent ce blog (moins de vingt les jours les plus fastes) ne m'en tiendront pas rigueur. Ils doivent cependant savoir que quand je vois la trace de leur passage dans ma page « statistiques », ça me conforte dans cette drôle d'idée : préférer qu'il y ait quelque chose plutôt que rien... Rentrer à la maison et constater, sur l'écran, que parmi les photos du jour il y en a une qui est moins ratée que les autres, se dire que la partager lui donnerait un peu plus de sens, voilà un bonheur facile. Ne travailler que pour soi, ça ressemble quand même un peu à la mort. Je crois qu'il n'y a de création que dédicatoire. Et puis, quitte à être mort, autant ne rien foutre. Maintenant je la boucle et je retourne à mes petites images. Écrire me fatigue.

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Les beaux jours - dans Les écritures
17 août 2011 3 17 /08 /août /2011 10:52

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Une des dernières images de L'Avventura de Michelangelo Antonioni (1960).

 

L'Avventura, comme souvent chez Antonioni, est un film sur rien. Les protagonistes s'ennuient, disparaissent corps et bien, se perdent dans des marivaudages aussi vains que pathétiques, essayent de s'aimer sans y parvenir. La trame narrative est floue, les dialogues sont creux. Les hommes et les femmes n'échangent que des banalités, leurs déclarations d'amour ne semblent même pas les convaincre eux-mêmes. Devant une telle vacuité, mon ennui est omniprésent. Et mon dépit. Car même quand, enfin, il se passe quelque chose, l'évènement, aussitôt, semble se dégonfler. Les plans-séquences sont interminables, les acteurs semblent parfois jouer faux... 

Alors que reste-t-il ? Les images. D'une beauté sidérante, d'une élègance cruelle. Toujours effroyablement justes. Intraitables. Dans le cadre, les êtres ne semblent exister que lorsque l'espace d'un instant ils sont rendus à leurs solitudes  ; ils regardent alors autour d'eux mais même la possibilité de la contemplation leur paraît interdite.

Le regard d'Antonioni est sans concession ni espoir. Le seul salut semble résider dans ce qu'il y a à voir, dans le mouvement des corps, l'émotion sur un visage, la dure évidence d'une place vidée de ses habitants, l'inquiétante étrangeté d'un village abandonné. Le cinéaste me donne ce pouvoir, ce tour d'avance qu'il refuse à ses personnages : être clairvoyant. Et puis, soudain, des gestes, comme cette main consolante dans les cheveux de l'amant infidèle, ce pardon final qui tire presque des larmes et me remet brutalement à ma place tant il s'approche, malgré la petitesse, la lâcheté, la faiblesse de ces êtres sans qualités, de la grâce

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L.D. - dans Les écritures
11 juillet 2011 1 11 /07 /juillet /2011 00:24

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Durant la messe d'enterrement, M. gazouillait dans les bras de sa mère et cela couvrait doucement les litanies convenues des laïcs de bonne volonté qui officiaient devant le cercueil, faute de prêtre pour accomplir le service religieux. Au cimetière, elle courait sur le gazon, cueillait des boutons d'or, riait. La regarder et l'écouter me rendait la tombe ouverte moins insupportable, moins obscène. Ses parents ont eu une bonne idée de venir avec elle ce jour-là. Je les remercie. Et j'embrasse leur petite fille. 

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L.D. - dans Les écritures
4 juillet 2011 1 04 /07 /juillet /2011 23:57

Ma mère est morte d'une septicémie dans la nuit du vendredi premier au samedi deux juillet. Depuis cinq ans, elle perdait lentement la mémoire et n'était plus autonome. Elle nous avait toujours dit, à mon frère, à moi , de la « placer » quand elle ne pourrait plus assumer le quotidien le plus élémentaire. J.L. avait alors trouvé pour elle une maison de retraite médicalisée dans le Gard, non loin de chez lui. Sa vie y était réglée, organisée par une équipe de femmes et d'hommes compétents et dévoués qui prenait soin d'elle.

Je n'aimais pas ma mère. J'ai des raisons sérieuses, anciennes, tangibles qui me permettent d'écrire ça sans culpabilité, sans honte. Ces dernières années, j'avais remplacé ce défaut d'amour par une forme de compassion. J'essayais d'être présent : appels téléphoniques réguliers, visites une fois par mois environ. Instaurer un dialogue avec elle était difficile voire impossible car sa mémoire immédiate était la plus affectée. Pourtant, je réussissais parfois à échanger et, même, à initier une vraie conversation. Quelques fois, très rarement, à esquisser des gestes tendres. Dimanche, je suis allé avec mon fils voir sa dépouille à la salle funéraire de l'hôpital. Nous ne sommes restés que quelques minutes devant ce visage qui ressemblait à un masque de cire. J'ai éclaté en sanglots. Ce corps qui n'était plus celui de ma mère semblait me dire : "Pour cette histoire d'amour ratée, pour cette énigme, pour cette solitude, tu n'auras jamais d'explications. Seulement ce silence définitif." Je lui ai fait un signe d'adieu de la main et G. et moi sommes sortis de la salle de présentation.  

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24 mai 2011 2 24 /05 /mai /2011 22:11

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Lors de ma promenade dans le parc, une moiteur d'orage envahissait l'air. Le ciel était chargé, menaçant. Gris-mauve, il déposait sur les frondaisons une lumière un peu lourde, mate, sans contrastes. Les verts étaient profonds, leur présence végétale dense et entêtante. Deux pies jouaient sur la pelouse, au pied d'un chêne ; touches blanches et noires d'abord ; puis, immobilisées, d'une netteté troublante ou je devinais la texture des plumes, leur moirure. Une scène pour ornithologue.

Au moment où j'écris, une lumière étrange, rose et orange, baigne l'appartement et colore les murs des immeubles, en face. Le ciel est d'un bleu très pâle, proche du rose. Derniers feux pâles. Fragment d'une toile de Tiepolo. Des hirondelles aux cris stridents passent et repassent, zèbrent le ciel, gobant les moucherons de la fin du jour. Une noirceur secrète s'insinue. Les oiseaux sont plus discrets. Bientôt, il fera nuit.  

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L.D. - dans Les écritures
17 mai 2011 2 17 /05 /mai /2011 00:14

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Je dois m'adapter à la lenteur de ma mère. À sa fragilité apparente. À chaque fois que j'arrive à la maison de retraite, un temps d'adaptation est nécessaire. Quand nous marchons, elle me prend par le bras pour se soutenir. Le bras gauche. Fermement. J'en éprouve toujours – je n'y peux rien – une sorte de dégoût. Même dans ces gestes-là, je ressens sa tyrannie, son autorité froide. Elle marche péniblement, en boitillant. Je sens son poids sur mon bras, son poids qui varie au rythme hésitant de la marche. Il y a peut-être une sorte de tendresse dans la confiance qu'elle m'accorde. Mais il est trop tard, désormais. Sans moi, sur ce chemin, elle tomberait sûrement. Un pavé disjoint, un léger dénivelé la ferait chuter. C'est déjà arrivé une fois, à Alès, en traversant la rue. Elle s'était affaissée lourdement et s'était abîmé le genou. Même pour l'aider à passer d'un trottoir à l'autre, me voilà défaillant, incompétent.

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L.D. - dans Les écritures
16 mai 2011 1 16 /05 /mai /2011 00:02

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Épouvantable mistral toute la journée. Les rues sont maculées d'ordures, de papiers gras. Dans le jardin du palais Longchamp, les pelouses et les buissons ne sont pas épargnés par les immondices. Laideur, crasse, tristesse, vacuité. Demeurer chez moi est le moins mauvais choix. Dessiner, photographier, lire un peu. S'occuper les mains à défaut de se secouer le corps. Dresser, un fois encore, un inventaire de ce qui reste.  

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L.D. - dans Les écritures
23 avril 2011 6 23 /04 /avril /2011 00:45

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Sur les hauteur de Collioure, il y a un hermitage : des arbres, des odeurs de fleurs, une fontaine, un café toujours fermé et une Chapelle qui porte le joli nom de Notre Dame de la Consolation. Elle contient des ex-voto touchants. Il y règne un grand silence ; ce calme n'est pas inquiétant, je m'y suis senti brièvement serein. Apaisé. La présence joyeuse et bienveillante de C. y était aussi, sans doute, pour beaucoup. Ce lieu ne m'aurait pas autant touché si ma découverte n'avait pas été accompagnée des histoires qu'elle me racontait, des souvenirs qu'elle évoquait. Les ingrédients étaient réunis pour qu'advienne une certaine température du coeur. Non loin de là, patiemment, à ma demande, elle m'a montré en quoi consiste le langage des mains dans le Bharata Natyam, cette danse sacrée Indienne. 

 

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Le blog de Laurent Deglicourt.

Chaque jour sera, désormais, un beau jour

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laurent.deglicourt@club-internet.fr

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