Centième article de ce blog. Je m'étonne moi-même de tant d'obstination. Il est vrai qu'avant de s'appeler Les beaux jours, une version encore plus confidentielle (si c'est possible) avait pour petit nom L'entêté. Mais cet entêtement était si naïf, si...
Sardon, Gaufrette déprimante. Les photos étaient éparses, entassées, non datées. Enfin je décidai d'en faire un album, comme on fait dans les familles, ou plutôt comme un book d'acteur (mais là comme acteur de ma vie), un album célibataire. J'achetai...
Dans un coin du bistro, sur la banquette, je prends mon petit-déjeuner. Coincé entre deux couples de mémés. Celles en face de moi doivent bien cumuler cent-soixante ans à elles deux. Les autres, à ma gauche, tournent plutôt autour de cent-vingt. Les cent-soixante...
Qu'est-ce qui la défend ? Même du sien. Faire baisser le regard dans l'acte d'appréhender. Incrimine l'acquis. Retient de deviner. Elle sans défense. C'est la vie qui finit. La sienne à elle. La sienne à l'autre. Mais si différemment. Elle n'a besoin...
J'ai aimé des êtres, je les ai perdus. Je suis devenu fou quand ce coup m'a frappé, car c'est un enfer. Mais ma folie est restée sans témoin, mon égarement n'apparaissait pas, mon intimité seule était folle. Quelquefois, je devenais furieux. On me disait...
Épouvantable mistral toute la journée. Les rues sont maculées d'ordures, de papiers gras. Dans le jardin du palais Longchamp, les pelouses et les buissons ne sont pas épargnés par les immondices. Laideur, crasse, tristesse, vacuité. Demeurer chez moi...
Je dois m'adapter à la lenteur de ma mère. À sa fragilité apparente. À chaque fois que j'arrive à la maison de retraite, un temps d'adaptation est nécessaire. Quand nous marchons, elle me prend par le bras pour se soutenir. Le bras gauche. Fermement....
Si on regarde on ne le voit pas, nommons-le le sans-forme Si on écoute on ne l'entend pas, nommons-le le sans-bruit Si on le touche on ne le saisit pas, nommons-le le sans-contours Ces trois aspects ne sauraient cependant être séparés À l'origine, ils...
Je rencontre dans ma vie des millions de corps ; de ces millions je puis en désirer des centaines, mais, de ces centaines, je n'en aime qu'un. L'autre dont je suis amoureux me désigne la spécialité de mon désir. (…) Plus j'éprouve cette spécialité, moins...
Lors de ma promenade dans le parc, une moiteur d'orage envahissait l'air. Le ciel était chargé, menaçant. Gris-mauve, il déposait sur les frondaisons une lumière un peu lourde, mate, sans contrastes. Les verts étaient profonds, leur présence végétale...
« Suis-je amoureux ? - Oui, puisque j'attends. » L'autre, lui, n'attend jamais. Parfois, je veux jouer à celui qui n'attend pas ; j'essaye de m'occuper ailleurs, d'arriver en retard ; mais, à ce jeu, je perds toujours : quoi que je fasse, je me retrouve...
Je brûle, mais hélas, je n'ose découvrir / Cette recluse ardeur que dans le sein je porte, / Et d'autant plus dolent, sans cesse je languis / Que plus profondément gît ma douleur celée. / … Je voudrais lui parler, mais je n'ose : en tremblant, / Je commence,...
Il n'y avait que le corps, né pour vivre et mourir selon des termes décidés par les corps nés et morts avant nous. Son créneau philosophique à lui, si tant est qu'il en eût un, il l'avait découvert de bonne heure, intuitivement, et, dans son minimalisme,...
Durant la messe d'enterrement, M. gazouillait dans les bras de sa mère et cela couvrait doucement les litanies convenues des laïcs de bonne volonté qui officiaient devant le cercueil, faute de prêtre pour accomplir le service religieux. Au cimetière,...
Une des dernières images de L'Avventura de Michelangelo Antonioni (1960). L'Avventura, comme souvent chez Antonioni, est un film sur rien. Les protagonistes s'ennuient, disparaissent corps et bien, se perdent dans des marivaudages aussi vains que pathétiques,...
Elle était assise en terrasse et attendait d'être servie. Elle portait un chemisier clair et un collier fait de perles de bois. J'ai d'ailleurs retrouvé ce collier plus tard, sur les photographies de l'album qu'elle avait confectionné et déposé à mon...
"Ces négatifs ont été rayés à cause d'un mari jaloux de la famille Baqari, qui ne laissait jamais sa femme sortir seule. Il était en colère d'apprendre qu'elle était venue se faire photographier à mon studio sans le lui dire. Il m'a réclamé les négatifs....
Comédienne en costume de Bugaku, 1880, photographe anonyme. Le premier jour de l'an et le troisième mois, il convient que le ciel soit très clair. Le cinquième jour du cinquième mois, il vaut mieux qu'il reste couvert toute la journée. Le septième jour...
Treize à dix-neuf grammes. C'est ce que pèse un rouge-gorge. Est-ce suffisant pour faire pencher la balance ? Quelle balance ? C'est une image. Un tableau. Une peinture. Une chaumière au bord d'un ruisseau. Jamais Martin Fissel n'avait vu quelque chose...
Mon père triait des vieux papiers. Il avait extrait du fatras une série de photographies anciennes à vocation pédagogique (sans doute destinées aux cours de géographie). Il m'a proposé d'y jeter un coup d'oeil. J'en ai sauvé très précisément dix-neuf...
Sur les hauteur de Collioure, il y a un hermitage : des arbres, des odeurs de fleurs, une fontaine, un café toujours fermé et une Chapelle qui porte le joli nom de Notre Dame de la Consolation. Elle contient des ex-voto touchants. Il y règne un grand...
Relisant ce que j'ai écrit avant-hier à la lumière de ces oies blanches se dandinant vers le crépuscule, je me dis qu'il faudrait me résoudre à vivre pleinement ce que je nomme avec ironie mon sentimentalisme. "Une bonne photo, ça vous serre le coeur"...
Dans le train vers Paris. Un couple, la soixantaine. Lui : rond et rose. Elle : janséniste amateur. Lui : lisant le Figaro. Elle : écoutant. Pages culturelles. Lui : « Il y a une expo Helmut Newton... tu connais Helmut Newton ? » Elle : « Non ». Au bar...
Cet été, en Italie, mon étonnement, à nouveau, devant les photographies qui ornent toutes les sépultures... Ces portraits semblent vouloir attester du passage de ces gens dans le monde des vivants, sorte d' Et in Arcadia ego figural. G. trouvait ça assez...
Hans Holdt, Niddy Impekoven dansant "L'oiseau en Cage", 1918. Je n'ai fait que danser ma vie. Isadora Duncan. J'ai rencontré un homme qui avait mon âge et qui, après s'être régalé du monde, ressemblait à un noceur fatigué : à notre âge, m'a-t-il dit -...
Chaque jour sera, désormais, un beau jour.
laurent.deglicourt@club-internet.fr