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25 avril 2014 5 25 /04 /avril /2014 22:07

Le train demeure à la même place durant une heure à cause d'un "incident voyageur" ; un suicide pour ne pas employer la langue de coton. On a le temps de regarder à loisir la belle, la grasse, la verdoyante campagne française. Elle s'en fout complètement de l'incident voyageur la campagne française. Il y a quelque chose d'intraitable et de de glaçant dans une paysage. 

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Les beaux jours - dans Les écritures
16 avril 2014 3 16 /04 /avril /2014 22:42

Je sors dans la nuit. Il y a beaucoup de vent ce soir, un vent du nord qui a commencé à souffler en fin d'après-midi. Le lune est voilée. Pourtant sa clarté donne un peu de relief à l'obscurité et rend visibles les bandes blanches qui s'éloignent au milieu de la route. Il y a aussi deux réverbères, qui tiennent lieu de fanaux. Je marche jusqu'au pont. Seul le bruit de l'eau indique qu'il enjambe la Gourdouze qui, à cet endroit, prend des allures de torrent. Je devine les pierres grises et lisses en contrebas.

Je marche au milieu de la route, en suivant les bandes sur le bitume. Le bruit de l'eau a disparu, couvert par celui du vent dans les sapins et les châtaigniers. Sous les arbres, la nuit s'intensifie encore. Ça pourrait faire peur. Pourtant je me sens apaisé. C'est comme un repos. Les arbres m'accueillent, m'ouvrent leur bras. Romantisme bon marché. Non. Sensation d'appartenance. Lien, et fragilité de ce lien. Dans mon dos, je sens la masse énorme des rochers de Trenze. Je me retourne pour essayer de les voir. Il sont là, surmontés de quelques étoiles.  

 

(Août 2012, Vialas) 

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Les beaux jours - dans Les écritures
27 mars 2014 4 27 /03 /mars /2014 23:26

Il faut traverser la châtaigneraie sur plusieurs kilomètres, passer Saint-Maurice de Ventalon, éviter si possible Pont de Montvert, ses maisons sombres, granitiques, et cette lumière triste de fond de vallée. Puis la route monte et serpente. À Prat-Souteyran un chien tacheté - noir sur fond blanc - surgit sur la gauche, frétillant, jeune, un presque-chiot ; il nous oblige à ralentir. Deux-cent mètres après, je demande à C. si elle peut garer la voiture. Je veux photographier le chien. Pas le chien, plutôt son surgissement sur le gris du bitume. Je passe le plus clair de mon temps à essayer de garder des traces de mes émotions. Sans-doute est-ce la raison de ma maigreur. Le chien est une chienne. Bien jeune, oui, nous dit sa maîtresse, une paysanne la petite quarantaine, corps sec, gestes vifs, visage poudré. Étonnant le fond de teint car elle va ce soir au Bois du Commandeur écouter le brâme du cerf. Parée pour l'occasion. Nous y allons aussi mais pas au même endroit : vers le col du Finiels, nous avons rendez-vous avec A. et S. Bonne soirée. Profitez-en, la semaine prochaine il pleut, il sera trop tard.

 

On roule à nouveau. Mes oreilles bourdonnent un peu. Le Finiels est à mille cinq cent mètres. Le paysage est plus désertique maintenant. Sur la courbe des collines sont posés de gros rochers ronds. La lumière décline doucement. A. et S. sont déjà sur place et nous attendent. Ils nous sourient. Le 4 x 4 titube sur la mauvaise piste. Il faut encore rouler dix kilomètres. À nouveau je veux m'arrêter : là, plus bas, une mer de nuages s'étale gentiment, se laisse admirer ; c'est presque trop beau, ça dilate, ça ouvre, c'est à consommer sur place.

 

On arrête la voiture. On marche un quart d'heure dans la bruyère. Le sol est gorgé d'eau. Ça et là, des champignons clignotent. Au loin, il y a les feuilles déjà rousses des peupliers.

S. s'agite en silence : il ne faut plus parler, rester groupés. Avancer doucement. Nous y sommes. Sur le site, on s'assied, on se planque. Les femmes d'un côté, les hommes de l'autre. C'est comme ça. On attend. Un vent du sud agite mollement le pin sous lequel nous sommes cachés S. et moi.

Rien n'arrive. Le temps s'écoule lentement. S. me murmure qu'il ne faut pas que les cerfs sentent notre odeur, qu'au moment du rut ils se roulent dans leur urine, que leurs hormones achèvent de leur retourner les sens. Me revient en tête le passage de Saint-Julien : « Maudit ! maudit ! Maudit ! Un jour, coeur féroce, tu assassineras ton père et ta mère ! » Mon père et ma mère sucent les pissenlits par la racine. Je suis près d'eux, là, au ras du sol. Au cimetière, loin d'ici, un autre vent caresse d'autres arbres. Je pense aux morts. Je pense à ceux que j'ai aimés, à ceux que j'aime. C'est triste, puis c'est doux. On doit être mignons S. et moi sous notre conifère. Je me sens souvent ridicule et désemparé. Là, ce soir, je suis plutôt heureux.

 

Un heure passe encore. J'ai un peu froid. Je ne suis pas le seul. Pas un brâme. Pas un cerf. S. est dégoûté. Il nous raconte que la veille, il a vu deux mâles combattre. On se fout gentiment de sa gueule, on le traite de mythomane. On remonte vers le van. A. à préparé un cake au fromage et du gâteau au chocolat. Il y a du vin rouge. On entend finalement les bêtes à cornes qui crient au loin. Nous rentrons. La lumière des phares éclairent les grands arbres sur le bord de la route. 

 

(Octobre 2012)

Douces pensées pour Claude, pour Séverin. 

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Les beaux jours - dans Les écritures
29 septembre 2013 7 29 /09 /septembre /2013 22:45

À Aix, la nuit s'insinue ; des nuées d'étourneaux tournent au dessus des platanes du Cours Mirabeau. Cris stridents, masses noires et mouvantes qui cachent presque le ciel. Rue Portalis, je croise une vieille femme au regard absent, les bras emplis de glaïeuls.     

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22 septembre 2012 6 22 /09 /septembre /2012 14:54

Ange est le deux-centième article de ce blog. J'ai acheté mon premier appareil-photo un peu avant la naissance de G. Je voulais garder des traces de son apparition. Tous les parents font ça. C'est grâce à lui que je suis allé vers la photographie. Peu à peu, elle est devenue une sorte de passion fixe. Depuis dix-sept ans, il est mon modèle. Bientôt dix-huit. Entre temps, il a pas mal changé. Et sa façon d'être en face de la boite noire aussi. Il y a maintenant plusieurs mois, il a accepté de poser pour des photos où, plus qu'autrefois, je le mets en scène. Il a joué le jeu, avec patience. Parce que mes foutues images, parfois, ça va bien comme ça...

Il faut me comprendre : G. devenait adulte ; il se fabriquait avec obstination un corps d'où l'enfance, petit à petit, s'éclipsait. Alors j'ai voulu que la pose soit une pause ; au moins, le temps des prises de vues, arrêter un peu la course. Il est toujours si pressé... Et moi, j'avais besoin de lenteur ; pour avoir une chance d'accommoder un peu sur ce qui me crevait les yeux. À travers ces images, j'ai seulement essayé de le regarder s'éloigner. Si possible avec délicatesse. 

C'était bien. J'ai adoré faire ces photos. Je ne sais pas si G., de son côté, se reconnaît beaucoup en elles. Mais après tout peu importe. Elles sont là. Bonnes ou mauvaises. Le temps va passer ; il ne sait faire que ça. G. les retrouvera peut-être plus tard. Déjà, il me parle avec nostalgie des photos que j'ai réalisées de lui enfant. Alors il n'y a plus qu'à attendre qu'il attrape la nostalgie de celles-ci.

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Les beaux jours - dans Les écritures
29 janvier 2012 7 29 /01 /janvier /2012 22:58

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Je me suis souvenu du beau film de Varda, Les glaneurs et la glaneuse. J'ai acheté cette pomme de terre en forme de coeur. Je me suis gardé de la manger. Elle est restée dans la cuisine, elle s'est lentement desséchée et flétrie. Et puis, peu à peu, elle a quand même germé. C'était peut-être un signe, ce germe... J'ai voulu la photographier mais elle ne tenait pas toute seule. Alors j'ai improvisé des béquilles avec ce que j'avais à portée de main. C'est bien pour tenir les yeux ouverts qu'on utilise les allumettes aussi ? Ou pour provoquer un incendie...

Vue comme ça la patate ressemble à un animal un peu effrayant. Un monstre préhistorique sur le rebord de mon évier, qui est aussi mon studio de prise de vue. Tout ça est un peu dérisoire. On dirait un travail d'élève de sixième en panne d'inspiration. C'est ce qui me plaît.

Ce que j'aime aussi ce soir : que ce petit texte soit comme un pléonasme en regard de l'image qui est au dessus de lui.  

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25 janvier 2012 3 25 /01 /janvier /2012 14:30

Oto

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Dans un coin du bistro, sur la banquette, je prends mon petit-déjeuner. Coincé entre deux couples de mémés. Celles en face de moi doivent bien cumuler cent-soixante ans à elles deux. Les autres, à ma gauche, tournent plutôt autour de cent-vingt. Les cent-soixante ont ma faveur : elles épluchent le journal, préparent leur loto, parlent de choses et d'autres avec ce détachement du grand âge ; elles n'attendent plus grand chose, elles ressemblent à deux vieux oiseaux qui ne savent plus voler, elles se tiennent chaud, là, vers neuf heures trente, dans ce petit café. Elles ont l'air de bien se connaître, de bien s'aimer. Je me dis qu'il y a peu de chances que j'atteigne un jour cet âge canonique, que je n'en ai d'ailleurs pas la moindre envie mais que si c'était le cas, avoir ainsi un vieux copain avec lequel passer le peu de temps qui me reste serait somme toute un moindre mal.

 

Les cent-vingt m'épuisent. L'une parle, l'autre écoute. Celle qui parle articule ; elle est précise, sentencieuse. Histoires de famille qui, si elles se prolongent, vont ressembler, en quantité, à La Comédie humaine. En plus elle s'aide de ses mains pour appuyer ses propos ; tellement peur que le sens lui échappe qu'il lui faut des schémas virtuels en sus. Elle devait au moins être prof autrefois pour être aussi pénible, aussi certaine de tout. Peut-être même qu'elle l'est encore. Les boules pour les élèves. L'autre semble boire ses paroles. La tête posée sur son avant-bras que sa main prolonge, comme de juste. Le pouce lui rentre dans la joue et plisse sa peau blanche à la hauteur de la pommette. Elle devrait faire gaffe, penser à acheter de l'anti-rides. Sinon : cheveux courts et grisâtres toutes les deux, lunettes tarif sécu toutes les deux, absence totale de goût côté vêtements toutes les deux. Il faut avoir une haute opinion de soi-même pour assumer un tel mépris de l'esthétique ; ou penser que l'essentiel est ailleurs... Où ça ? 

Dans la logorrhée qu'elle déverse depuis vingt minutes sans interruption ?

Je coupe le son. Je retourne un temps à mes deux vieux piafs toujours plongés dans leurs canards. Je paye mon double café. 

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23 janvier 2012 1 23 /01 /janvier /2012 23:09

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Dans le train vers Paris.

Un couple, la soixantaine. Lui : rond et rose. Elle : janséniste amateur. Lui : lisant le Figaro. Elle : écoutant. Pages culturelles. Lui : « Il y a une expo Helmut Newton... tu connais Helmut Newton ? » Elle : « Non ».

Au bar : un vieil homme élégant profite d'un ralentissement du T.G.V. pour photographier le paysage avec son Iphone. Dans le micro, le type derrière le comptoir débite haut et fort ses boniments : grand choix de boissons chaudes et fraiches, de plats succulents, sucrés et salés. J'échange un sourire avec le photographe. Moins seuls un instant.

Un intello barbu flanqué d'une écharpe bleu canard raconte à une blonde plutôt décatie l'histoire d'une fresque : Vasari aurait peint son truc sur une esquisse de Léonard. Assurance et niveau sonore du conférencier en amphi. Modeste tout de même : « Je ne raconte peut-être pas très bien ».

Moi non plus.  

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Les beaux jours - dans Les écritures
11 octobre 2011 2 11 /10 /octobre /2011 00:11

Numériser-copie-2

Mon père triait des vieux papiers. Il avait extrait du fatras une série de photographies anciennes à vocation pédagogique (sans doute destinées aux cours de géographie). Il m'a proposé d'y jeter un coup d'oeil. J'en ai sauvé très précisément dix-neuf de la poubelle. J'étais étonné de la qualité de certaines de ces images. Bien sûr, les paysages qu'elles donnaient à voir se résumaient souvent à des clichés du genre. Mais, pour quelques-unes, la lourdeur descriptive, la valeur d'exemple laissaient place à un air. Venaient y planer des impressions fugitives, enfuies ou des sensations tenaces, chevillées au corps ; une petit attirail de je ne sais quoi coincé entre instant et durée : ici des odeurs de sel et de marée, le bruit des cailloux sous mes pas, la grisaille et la lumière pâle des bords de la Manche. Et tout ça de façon très exacte, grâce à une reproduction sépia tâchée par l'humidité. Bien sûr : parce que tâchée par l'humidité. Cette plage, Le Hourdel (patronyme assez laid qu'on associe très vite à « bordel »), je la connaissais bien. Depuis la petite enfance. Jamais, pourtant, je n'ai pu arpenter cet élégant cordon de galets que la légende m'oblige à considérer d'un air docte : une digue de béton était déjà construite quand commencent mes souvenirs. Mais cette image, plus proche d'un tableau de Friedrich que d'un document de cours, fait remonter presque jusqu'à l'écoeurement la solitude, la tristesse et aussi l'exaltation un peu folle de certains moments de cette enfance-là. 

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19 septembre 2011 1 19 /09 /septembre /2011 10:27

Numériser

 

Ce lundi, pas de photo mais un dessin/collage réalisé hier. Parfois ça me prend comme ça, je reviens à mes premières amours. Peintre du dimanche. Sans grande conviction quoi... Et la conviction, c'est au moins la moitié du boulot. Bref.

 

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Les beaux jours - dans Les écritures

Le blog de Laurent Deglicourt.

Chaque jour sera, désormais, un beau jour

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laurent.deglicourt@club-internet.fr

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